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lui-même un des premiers à souffrir. « Le but du corps social constitué en nation est de vivre et de se conserver dans sa collectivité, en garantissant les droits de chacun des individus qui la composent. » « Toute organisation politique sera la plus rationnelle et la meilleure qui sauvegardera et maintiendra les droits naturels de l’individu en assurant l’harmonie et la conservation du corps social. » Il n’y a nulle antinomie entre ces deux buts.

Ces droits naturels sont : « l’instruction, la liberté, l’égalité, la propriété et la sûreté. » Le gouvernement idéal sera donc celui qui garantira l’instruction gratuite — ce qui est absolument obligatoire, — l’inaliénabilité de la liberté, l’exclusion absolue de tout privilège, par conséquent la socialisation des sources de richesse, la possession[1] des biens acquis par le travail et l’héritage (ce qui n’est point synonyme de capital), « le droit pour l’individu d’être assuré contre toute atteinte à la libre satisfaction de ses besoins et au libre développement de ses facultés ». Dans ce gouvernement, « les droits de l’individu doivent toujours et imperturbablement subsister entiers et inviolables, puis-

  1. Leconte de Lisle n’attaque point la propriété, par dévotion robespierriste, et parce que la Déclaration des Droits de l’homme met le droit de propriété au nombre des droits sacrés et inaliénables. Le texte de Condorcet adopté par la Convention était : « L’homme est maître de disposer à son gré de ses biens, de ses capitaux, de ses revenus et de son industrie. » Mais, comme Mirabeau, Leconte de Lisle pensait que « la société est en droit de refuser à ses membres dans tel ou tel cas la faculté de disposer arbitrairement de leur fortune » et il pensait que l’individu pouvait même, sauf indemnité, « être privé de la totalité de ce qu’il possède et au nom et dans l’intérêt du corps social ».