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Napoléon, femme républicaine et de grande intelligence, fréquentait la maison de Leconte de Lisle. Autour du poète et sans qu’il le sût, on s’occupa à tirer parti de la précieuse relation[1]. Mme Cornu parla donc à l’Empereur. En outre, à cette époque où, en pleine misère, peinait le poète, venait chez lui, tel qu’un contemporain le vit et nous le définit, le gros et fleuri Théophile Silvestre, auteur d’importantes études d’art et d’un petit livre fourni de charmants contes de chasse et de pêche. C’est par lui que M. Mocquard, un des hommes de confiance de Napoléon III, entendit parler de Leconte de Lisle, et il entretint l’Empereur, déjà sans doute préparé par les recommandations de Mme Cornu. Bientôt Leconte de Lisle reçut de Napoléon III telles propositions : sa traduction de l’Iliade serait richement éditée, imprimée en caractères royaux, Gustave Doré l’illustrerait ; il serait attaché à une bibliothèque, recevrait 20.000 fr., serait, de plus, décoré de la Légion d’honneur. La condition en était qu’il dédiât son ouvrage au prince impérial. Leconte de Lisle refusa poliment : il ne saurait, répondit-il, dédier à un enfant de deux ans, qui ne pouvait connaître le grec, les chefs-d’œuvre de l’art antique, et ne voulut point qu’on lui en reparlât. M. Mocquard, à qui Théophile Silvestre communiqua la réponse de Leconte de Lisle, la rapporta à l’Empereur. Brave homme quelque peu

  1. De même, non moins simplement, FLaubert s’adressa à Mme Cornu pour Bouilhet et pour d’autres. (Voir sa Correspondance.) — Selon M. Calmettes, Catulle Mendès s’était occupé de pareille chose de son côté : il avait mis en campagne Vitu afin d’obtenir pour son maître une pension de l’Instruction publique.