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bouchée. On se plaint seulement que la distribution des fusils aux gardes nationaux ne s’exécute pas avec la rapidité désirable. On refuse d’inscrire beaucoup de ceux qui se présentent. Du moins, on les soumet à tant de formalités stupides que l’on découragerait le plus grand nombre si on pouvait y réussir ; mais, la persévérance aidant, nous serons, je l’espère, tous armés dans huit jours. Il y a en France, entre autres, deux plaies dévorantes qu’il faudra cautériser le plus tôt possible : une bureaucratie inepte et cette rage de paperasses inutiles qui ont mis la patience publique à une si rude épreuve depuis le premier Empire…


Sedan le confond, le désespère, et réveille toutes ses indignations.


5 sept. — Nous avons été trahis, vendus, abusés d’une façon infâme jusqu’au dernier moment par les misérables qui dévoraient la France depuis vingt ans. Le pays est précipité dans un abîme d’où il ne sortira que par un soulèvement en masse, furieux et désespéré. Bonaparte s’est rendu comme un lâche ; sa femme est partie la nuit en emportant, dit-on, les diamants de la couronne qu’on n’a pas retrouvés. Sénat et Corps législatif ont disparu. La République a été proclamée : c’est le dernier moyen de salut qui nous reste, si toutefois les départements veulent se lever. J’en doute ; il ne reste guère de sang dans les veines de toute cette race ; mais, du moins, si nous ne sommes pas livrés à l’ennemi par les bonapartistes, Paris résistera jusqu’à la mort. Que vous dirai-je ? J’ai les plus affreux pressentiments. Je pleure de rage en pensant que j’ai eu la bôtise de croire pendant cinq minutes, l’autre jour, que tout allait mieux. Il n’y a jamais eu aucun plan de campagne. Mac-Mahon est allé se faire cerner comme une oie, au lieu de revenir