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humbles et plus profondes[1]. Son déterminisme a une précision tranchante. Le transformisme dont est imprégnée toute son œuvre, pour ne pas s’énoncer en formules didactiques, est constant et sûr, toujours exact. Nul n’a si âprement reconnu que le poète des Eléphants et de l’Aboma, la fraternité de l’homme et des animaux et que nous portons en nous l’âme des espèces moins différenciées. C’est par là qu’il est arrivé à s’assimiler la psychologie des bêtes, à leur donner des âmes élémentaires et à les suivre dans leurs logiques simples et mathématiques ; c’est avec une intelligence de savant qu’il a exprimé la mélancolie des carnassiers, la profondeur des instincts fondamentaux hérités des races antérieures, l’énergie tragique de la vie poursuivant mécaniquement les fins qui résultent de ses activités chimiques, l’admirable et horrible Concurrence que le poète a appelée la faim sacrée, « long meurtre légitime ». Il fut aussi habile à caractériser la vie dramatique des espèces zoologiques que la douceur lente, puissante et auguste de la botanique surtout en des paysages tropicaux extraordinairement minutieux et fidèles. Nul encore n’a d’une telle vision supérieure, rapide et sûre, enveloppant l’univers d’un coup d’œil juste, embrassé le monde dans son intégrité et sa symétrie complexe ; les constellations se développent dans leur splendeur mathématique, en géographie précise, et, d’autre

  1. Nous ne voyons pas pour cela qu’il ait particulièrement « énoncé dans son œuvre l’instabilité essentielle de la science positive dont les lois caduques se renouvellent plus vite que ne mouraient les religions ». Pierre Quillard.