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à son esprit et du stoïcisme à son cœur. « Son attitude intellectuelle, dit M. Ferdinand Brunetière, a été celle non seulement de l’érudit, mais à vrai dire celle du zoologiste ou du botaniste en présence de l’espèce qu’ils étudient. » De même son attitude morale. Pour qui se recompose l’atmosphère dans laquelle vécut Leconte de Lisle à cette époque, il est sensible à quel point la science lui fut précieuse, contribua à équilibrer son caractère, détermina la substance et la forme positives de son stoïcisme. L’effort de génie qu’il eut à parachever pour réaliser la synthèse de l’art et de la science, la conscience de cet effort durent le soutenir puissamment : il fut en effet le premier grand poète du XIXe siècle qui eût accompli cette synthèse dans sa pensée et dans son œuvre.

« Des yeux de poète ouverts sur des hypothèses de science », ainsi son œuvre fut-elle définie par M. Paul Bourget qu’il faut louer d’avoir un des premiers (1885) célébré en lui le plus grand poète scientifique français chez qui « réflexion et spontanéité, critique et création se faisaient équilibre », et qui a exprimé science et philosophie « avec une âme essentiellement, uniquement poétique ». Au fond, M. Bourget a surtout considéré en lui le philosophe, mais il importe de noter que chez Leconte, à l’exclusion de presque tous les autres poètes, la philosophie et, en particulier, son phénoménisme sont d’un matérialisme rigoureusement scientifique, ce qui donne à l’expression de son angoisse devant la mobilité éternelle de la vie un caractère de netteté et de simplicité humaine à la fois plus