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à nous délivrer des petitesses du caractère, des rivalités et des jalousies. Le culte de la beauté est éminemment égalitaire. Il regrettait, avons-nous vu, qu’il n’y eût plus de Dieu, parce qu’en lui communie harmonieusement le peuple, l’humanité : que la beauté soit ce Dieu abstrait, indéfini comme la nature, d’une humanité scientifique revenue du théisme. Flaubert, qui le dénommait fanatique, indiquait ensuite que c’était de la beauté qu’il avait l’ardente religion. Religion nouvelle ; rationaliste, traditionaliste et scientifique. La science du beau, donne la morale, la concorde et rattache le présent au passé par le sens de la tradition : en effet, une théorie scientifique de la beauté montrerait aujourd’hui qu’elle est la manifestation « de la grande hiérarchie humaine » qu’il admirait, qu’elle est aussi, dans l’espèce humaine, l’expression synthéthique des diverses races, la manifestation extérieure de la solidarité des divers types de l’espèce à travers son évolution.

La supériorité de cette conception rénovatrice de Leconte de Lisle ressort encore par la fermeté toute robespierriste avec laquelle il la formulait et décrétait : « Il prétendait, écrit M. Maurice Barrès, plier tous les tempéraments à ses idées de l’art et du beau[1]… Il a été pendant trente-cinq ans un des plus influents mainteneurs du beau dans notre littérature. »

La recherche — pour une synthèse radieuse dont le rayonnement revivifierait le monde engourdi —

  1. Flaubert la fait ressortir en la critiquant dans sa Corresp., t. I, p. 366.