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Il y a la plus profonde antipathie entre le dogme, « vérité une et entière »,et l’art, « variété infinie ». « L’art est essentiellement hérésiarque des doctrines dogmatiques. Il a sa raison d’être dans la liberté de la pensée… L’art ne brise ses fers que sur la cendre des dieux déchus. »

Le Catholicisme a éteint le sens du beau et développé le goût de la laideur que les Romantiques, suite de Chateaubriand, ont cultivée dans le Moyen-âge. Si, répudiant le christianisme, il faut par une Renaissance toute anticatholique remonter à l’antiquité, c’est pour « retremper aux sources éternellement pures l’expression usée et affaiblie des sentiments généraux[1] ». Il faut donner « une forme plus nette et précise aux spéculations de l’esprit, aux émotions de l’âme, aux passions du cœur ». Non point donc tuer les passions, individuelles, maisles purifier (ϰαθαρσις) de leurégotisme élégiaque dans l’exaltation désintéressée et collective de la beauté. Par là exaltation infiniment nécessaire et aux poètes et aux politiciens : n’épure-t-elle pas justement de cette « grossièreté des sentiments, de cette platitude des idées » qui firent à son sens l’infériorité des meneurs de 1848 et de 1851 ? Notre société se meurt d’agitations politiques, de confusion : le culte de la beauté rendra le goût de « la précision ». L’éducation par le culte du beau — forme moderne, plus complète, du stoïcisme autrefois trop exclusivement moral (et la forme et le fond sont étroitement solidaires) — est nécessaire

  1. Préface de 1852, — Les sentiments exprimés par le Romantisme sont individuels, personnels.