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dans l’Hermès projetait une « comparaison entre l’harmonie du monde et l’ordre des sociétés », suggérant que, pour mettre de la concorde parmi le peuple, il faut lui apprendre les lois de l’harmonie universelle. « Une loi d’harmonie générale, écrivait Leconte de Lisle dans une lettre politique, n’enveloppe-t-elle pas et ne dirige-t-elle pas ce qui est ? »

Ce sentiment est capital. Pour l’élite, sur laquelle tout le monde[1] s’accorde à reconnaître l’influence prépondérante de Leconte de Lisle, les Poèmes antiques (1852) marquent réellement dans la littérature française une date, une révolution aussi importante que juste cinquante ans auparavant le Génie du Christianisme à qui[2], sciemment, il s’oppose de point en point, catégoriquement, violemment[3]. Ce que Leconte de Lisle vient proclamer et ne cessera de répéter, c’est que « le cycle chrétien tout entier est barbare » :

Le catholicisme a vicié l’art. Ce qui fait la beauté de l’art grec, c’est de ne pas être religieux, dogmatique : « Phidias et Sophocle créent leurs œuvres immortelles aux bruits des rires railleurs soulevés par Aristophane contre les dieux qui s’en vont[4]. »

  1. Barrès, Brunetière, Mendès.
  2. Arrivant à cette conclusion, nous voyons que M. Brunetière a déjà écrit en 1895 : « C’était s’inscrire hardiment en faux contre le Génie du Christianisme et renouer délibérément la tradition de Chénier, de Racine et de Ronsard. » Rien n’est plus juste ; mais, comme en sa jeunesse il n’aimait guère Racine, il a cherché à changer complètement la conception racinienne de l’antiquité, et il a mis dans la sienne son âme libérale comme l’autre son âme monarchiste.
  3. Même le goût de la nature qui est chez lui une hygiène pour régénérer l’homme anémié par le christianisme anti-naturel (Cf. Dies Iræ.)
  4. Lettres de 1846 à B.