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« L. de L. a bien pu prendre sa part des libertés rendues au poète par Hugo, mais les Poèmes antiques et les Poèmes barbares n’en ressemblent pas pour cela davantage à la Légende des siècles. J’ai fait observer que, tandis que la religion de la beauté grecque emplissait, pour ainsi parler, les Poèmes antiques, au contraire la Légende (celle qui parut en 1859) ne contenait pas une seule pièce inspirée de la mythologie, de la légende, ou de l’histoire de la Grèce. Dans cette vaste fresque où le poète, selon son expression, « ne s’était proposé rien moins que de dépeindre l’Humanité successivement et simultanément sous tous les aspects : histoire, fable, religion, philosophie, science… » il n’y avait pas de place pour les dieux, il n’y en avait pas pour les héros, il n’y en avait pas pour les artistes ni pour les poètes de la Grèce ; et Rome même n’y est représentée que par le Lion d’Androclès. »

L’hellénisme, donc, avec son double et inséparable caractère — esthétique et républicain — était bien une nouveauté. Continuant de l’opposer aux romantiques, l’auteur de l’Évolution de la Poésie lyrique fait valoir que ceux-ci avaient justement le culte de la laideur : Leconte de Lisle restaure celui de la Beauté.

La Beauté est supérieure aux passions : elle l’est en ce que les passions sont individuelles, la beauté collective. Le sens de la beauté est un sens tout social : c’est celui de l’harmonie telle que l’admirait l’utopiste Bernardin de Saint-Pierre et son disciple André Chénier, helléniste républicain qui