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L’ENFANCE DANS L’ÎLE



Autrefois, quand l’essaim fougueux des premiers rêves
Sortait en tourbillon de mon cœur transporté ;
Quand je restais couché sur le sable des grèves,
La face vers le ciel et vers la liberté ;
Quand, chargé du parfum des liantes solitudes.
Le vent frais de la nuit passait dans l’air dormant,
Tandis qu’avec lenteur, versant ses ilols moins rudes,
La mer calme grondait mélancoliquement ;
Quand les astres muets entrelaçant leurs flammes,
Et toujours jaillissant de l’espace sans fin,
Comme une grêle d’or pétillaient sur les lames,
Ou remontaient nager dans l’Océan divin…
      … Ô nuits du ciel natal !


*


Ainsi, quand il est dans l’île, le désir de la France l’obsède :


Alors que ma jeunesse et ses jours indolents
S’écoulaient sur nos bords parfumés et brûlants,
Alors que je rêvais de gloire et de génie.
Parfois ce long repos assombrissait ma vie.
Fuir mon doux ciel natal me semblait le bonheur.


Mais dès qu’à bord du bateau qui l’emporte il voit Bourbon disparaître, il comprend qu’il perd tout :

Une tristesse amoureuse enveloppa mon cœur ;


il sent le prix de la famille et du pays.


Puis ce charme si doux d’un amour fraternel.
Ces parents chers et bons que m’accordait le ciel.
Tous ces amis grandis à mes côtés, doux frère
Que je pleure parfois dans mes jours solitaires,