Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces énergies vierges et insoumises, porte la même vertu d’enseignement naturiste qu’un paysage édénique de la création ou un paysage élyséen de nature attique. En toute bête Leconte de Lisle ne laisse pas de voir le témoin des premiers temps de splendeur, à la façon du Corbeau, démon de la nature païenne tué en son éternité par la parole de mort du christianisme antinaturel. Et certes son rêve serait d’une humanité qui participerait, en un régime de nature, de la noblesse musculaire et de l’indépendance des bêtes : rentrer en la vie de nature, « retrouver Éden », c’est aussi bien que retourner parmi les monts, les arbres, les fleuves, rentrer en un paradis d’animaux. Leconte de Lisle ne défendit pas moins la cause de l’animal que celle du sauvage tué par la guerre européenne (le Dernier des Maoris) y que celle des forêts abattues par le moderne industrialisme. Et quand il clame le triomphe de la forêt vierge, la victoire du requin vorace ou de la panthère, c’est la victoire définitive de la Nature en quoi il espère pour les avenirs d’une humanité ressuscitée. Dans la vaste éducation que l’homme converti recevra de la Nature, la leçon due à la Bête prend sa part de fierté et de force. Héraklès au taureau érige le combat superbe des deux énergies animales s’affrontant dans une utile émulation, sœurs en vigueur et en jeunesse. Khiron, qui conserve le type idéal de l’homme de nature, est Centaure, mi-homme, mi-bête.

Les bêtes de Leconte de Lisle sont des groupes de Barye qui orneraient de puissance indomptée une ville moderne comme les chevaux et les bœufs