Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

preinte d’une grande confusion d’idées, de sentiments et d’impressions ».

Comme au temps du Dante, nous sommes dans un siècle d’individualités mesquines cantonnées en les horizons étroits de leurs passions égoïstes. Il faut se fondre dans la masse et pour ce remonter à l’antiquité si peu égotiste et à la primitivité. Le rousseauisme s’épanche très librement dans la préface de 1855. Leconte de Lisle qui, dans son discours à l’Académie, devait revendiquer « l’imagination vierge d’un jeune sauvage vivant au milieu des splendeurs de la poésie naturelle », s’y plaint d’entendre à peine « les premiers chants de la poésie humaine, les seuls qui méritent d’être écoutés, grâce aux clameurs barbares du Pandémonium industriel », car il croit que, « à génie égal, les œuvres qui nous retracent les origines historiques, qui s’appuient des traditions anciennes, qui nous reportent au temps où l’homme et la terre étaient jeunes et dans l’éclosion de leur force et de leur beauté, exciteront toujours un intérêt plus profond et plus durable que le tableau daguerréotypé des mœurs et des faits contemporains ». Il hait son temps parce que l’utilitarisme y tue la poésie comme fit au Moyen-âge le catholicisme.

En général, tout ce qui constitue l’art, la morale et la science, était mort avec le Polythéisme. Tout a revécu à la Renaissance. C’est alors seulement que l’idée de la beauté reparaît dans l’intelligence et l’idée du droit dans l’ordre politique. En même temps que l’Aphrodite Anadyomène du Corrège sort pour la seconde fois de la mer, le sentiment