Un de ses principaux griefs contre les religions
officielles était qu’elles fussent antipatriotiques et
pour ce il condamnait aussi en bloc le Moyen-Âge[1]. Que le paysan français souffrît en 1793
pour la défense de la liberté, c’était beau ; ce qui
fait l’horreur de sa misère au Moyen-Âge c’est
qu’elle ne profitait pas à la patrie, mais uniquement
à une classe « dévoratrice[2] ». Anatole France
lui a reproché de « ne voir au Moyen-Âge que les
famines, l’ignorance, la lèpre et les bûchers ».
« Je sais bien, dit-il, qu’ils étaient violents, mais
j’admire les hommes violents qui travaillent d’un
cœur simple à fonder la justice sur la terre et
servent à grand coup les grandes causes. » Des cœurs
simples, ceux que marqua la haine du poète :
Balthasar Cossa, Isabeau, Grégoire ! Et si l’on admet
que Leconte de Lisle a vu un peu trop noir le
Moyen-Âge, cela même fait ressortir davantage le
caractère socialiste de la conception ! À France,
plus encore qu’aux autres, il faut reprocher de
n’avoir point senti de quelle nature et de quelle
portée était l’œuvre.
Si l’éclat des vers éblouissait les intelligences au
- ↑ « Un seul poète, alors, a su voir le Moyen-Âge directement (c’est-à-dire sans subir Hugo)… c’est Leconte de Lisle. Ce n’est point par là que Leconte de Lisle a fait époque : des gens qui ne savent pas lire ne sont pas loin même de le prendre pour un imitateur de la Légende des siècles. « X. de Ricard, Revue indépendante, juin 1892.
- ↑ Cf. Le soir d’une bataille.
- Ils sont morts, liberté, ces braves, en ton nom,
- Béni soit le sang pur qui fume vers ta gloire !