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L’ENFANCE DANS L’ÎLE

merce supérieur des auteurs anciens et modernes, écrivains du XVIIIe siècle, Walter Scott à tous préféré de son enfance, et qui exerce sur lui la même influence démocratique que sur George Sand, Lamartine, Hugo. Il ne lit d’ailleurs peut-être pas beaucoup, mais dans l’intensité révélatrice de la nature de son île, dans la noblesse naïve et chaleureuse de son tempérament si riche d’électricité cérébrale, ce qu’il lit acquiert une ardente puissance de suggestion, et d’une page son imagination s’enflamme[1]. Il écoute les appels libérateurs, il est l’écho frémissant des grandes voix des Devoirs ; en son âme se prolongent les fiers accents du siècle mort qui s’y mêlent ainsi aux premières clameurs fraternitaires du siècle nouveau ; il vit du plus noble de la vie de la France où ses lectures ordinairement le conduisent, et la beauté sauvage de la terre natale qui le trempa ne peut l’empêcher de songer à la grande patrie, celle dont son père garde le vivace souvenir[2], celle où il pressent que son être se développera plus mâlement et plus librement, la France, métropole de Liberté. Il part pour la France, il quitte parents et chèresamitiés, l’âme un moment blessée des plus vifs regrets, mais déjà le désir de la patrie intellectuelle lui commande en l’île même ; à l’heure de s’en éloigner, il la chante avec l’ardeur d’un patriotisme ingénu, mais hautement lyrique.

  1. S’en rapporter à son discours de réception sur Hugo à l’Académie.
  2. Lettres publiées par M. Tiercelin.