misères de l’individu » (p. 500). Voici qui n’est point assez explicite. Sans nul doute le socialisme de Leconte de Lisle n’a rien de larmoyant, mais cela même en fait la force et la hauteur de caractère. L’apitoiement sur l’individu est-il plus « attendrissant » que l’universelle pitié, le vaste humanitarisme ? Il n’y a rien de plus émouvant — largement et profondément — dans toute la poésie française que les pièces où Leconte de Lisle revit les misères du moyen-âge. Et ce qui fait la puissance, la grandeur de son antipapisme, c’est précisément qu’au contraire des traditions littéraires et des règles du genre dramatique trop souvent intronisées dans toute la poésie, il ne concentre pas sa pitié sur tel ou tel martyre (voir dans V. Hugo), mais il en répand l’ample débordement sur la commune masse des victimes du régime. Son anticatholicisme, c’est le masque vindicateur de son amour des Jacques. Il exècre le clergé parce qu’il se gorgeait des misères du peuple ; quand il parle de moine, s’il voit rouge, c’est qu’il voit le moine ensanglanté de la douleur des petits. Cette infinie pitié du Jacque, qui jaillit sauvagement du cœur, combien plus sincère, plus simple, plus profonde, plus éloquente, — criante, — que la grimaçante philanthropie d’un Voltaire, que l’oratoire humanitairerie d’un Hugo, où grince trop souvent le ressouvenir personnel !
Or, chacun subissait les communes épreuves,
Le bourgeois dans sa ville et le sire en sa tour.
Mais les Jacques, Seigneur ! Dévorés de famine.
Ils vaguaient au hasard le long des grands chemins,