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Figure aux cheveux roux, d’ombre et de paix voilée.
Errante au bord des lacs sous ton nimbe de feu,
Salut ! l’humanité, dans ta tombe scellée,
Ô jeune Essénien, garde son dernier Dieu !


Relisez tout ce bel hymme, le Nazaréen, qui n’a de comparable que deux ou trois pages pieuses de Renan, et sa lamentable évocation du Mont des Oliviers[1].

Dans l’Holocauste, il accuse le contraste représentatif entre « le ciel pur et rayonnant » et la tumultueuse haine noire de la foule des moines, meute hurlante traînant la victime au bûcher.

Anticatholicisme, c’est-à-dire très exactement antipapisme, haine des puissants, des césars ecclésiastiques comme des rois dévorateurs de peuple (le Talion), haine qui n’a d’autre source, d’autre réservoir qu’un incommensurable amour des humbles : nulle part on ne le voit mieux que dans les Siècles maudits, « siècles du goupillon, du froc, de la cagoule », siècle où régnait « la goule[2] romaine, ce vampire ivre de sang humain ».


Hideux siècles de foi, de lèpre et de famine
Que le reflet sanglant des Bûchers illumine !
Siècles de désespoir, de peste et de haut-mal,
Où le Jacque en haillons, plus vil que l’animal.
Geint lamentablement sa pitoyable vie !
Siècles de haine atroce et jamais assouvie,
Où, dans les caveaux sourds des donjons noirs et clos,
Qui ne laissent ouir les cris ni les sanglots,

  1. Le Christ, dit Jean Dornis, lui apparaissait comme une victime dont le supplice ne finit pas. Il a pleuré sur son gibet, sur ses blessures, sur son sang, mais surtout sur cette trahison qui, selon lui, avait défiguré sa doctrine, sur ce mensonge de charité qui abritait toutes les vanités, toutes les cruautés des « siècles maudits ».
  2. La rime de goule avec cagoule est assez significative, suivant le procédé hugolien.