Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ronge ton beau front de son impure écume,
Et lu subis son crime, et tu le subiras !


il la supplie, si elle se sent vraiment trop abaisser pour pouvoir se relever :


Si tu ne peux revivre, et si le ciel t’oublie,
Donne à la liberté ton suprême soupir…


qu’au moins elle sache mourir noblement ! Dans le Sacre de Paris écrit en « janvier 1871 », alors, que les horreurs du siège lui rappelaient à la fois les affres et les héroïsmes de la Patrie en danger de 1793, il crie à Paris de mourir plutôt que d’accepter la servitude. La mort, qu’invoquèrent tant de fois et que tutoyèrent sublimement ses maîtres, les hommes de la Révolution, il ne voit en elle que la Libératrice. Ses appels à la mort sont des appels à la Liberté.

Or tel est donc son pessimisme. On en voit la nature et la source. Il était en germe dans le rousseauisme dont son adolescence était déjà imprégnée insi que du sel amer de l’océan hindou, mais il ne date que réellement de 1848, de ce qui fut alors pour tous la banqueroute des justes espérances socialistes. Encore n’est-ce nullement un pessimisme irréductible : ce n’est ni un pessimisme psychologique, ni un pessimisme métaphysique, ni un pessimisme historique s’appuyant sur la connaissance du passé pour nier l’impossibilité de la paix terrestre ; il croit seulement que la société est détestable et il ne se désespère qu’en tant qu’il se demande si le retour au primitivisme est possible : c’est donc une sorte de pessimisme social ou socialiste.