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jourd’hui encore indigne précisément les génies les plus philanthropes, c’est surtout par rousseauisme, cela est indéniable, on l’a vu dans ses lettres écrites en 1845 à la Réunion, on le voit également dans ses poèmes publiés sous le Second Empire.

Leconte de Lisle n’y glorifie point seulement comme Rousseau la bonté de la vie libre des premiers hommes, mais sa beauté, sa jeune beauté d’or vierge, la simplicité grande, noble et calme de l’existence biblique. Il l’exalte avec la hauteur et la pureté d’émotion d’un Puvis de Chavannes en même temps qu’avec une certaine mâle âpreté qui est d’une grande puissance de réalisme. Rousseau et Puvis de Chavannes s’unissent, se complètent, s’harmonisent en lui. Il y a dans Dies Iræ d’immortels vers qui célèbrent avec une ineffable verdeur d’enthousiasme l’inépuisable beauté de


La jeune humanité sur le jeune Univers.


Ce sont accents d’un profond lyrisme pieux que retrouveront seuls plus tard les poètes de Vamireh et d’Eyrimah :


Il n’avait point taché sa robe irréprochable
Dans la beauté du monde il vivait fortement.
… Pourquoi s’est-il lassé des voluptés connues ?
Pourquoi les vains labeurs et l’avenir tenté ?
Les vents ont épaissi là-haut les noires nues ;
Dans une heure d’orage ils ont tout emporté.
Oh ! la tente au désert et sur les monts sublimes,
Les grandes visions sous les cèdres pensifs,
Et la liberté vierge et ses cris magnanimes,
Et le débordement des transports primitifs !


Et encore dans cette pièce l’on voit bien nettement que s’il avait un tel culte pour la Grèce anti-