Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la foule, où du moins il ne vaut que comme élément de la foule, où tous les mouvements particuliers, quoique divers les uns des autres et profondément originaux, se groupent ou s’isolent pour composer un effet général où la beauté même est une beauté d’ensemble : le Runoïa, le Massacre de Mona, la Vision de Snorr, les Éléphants, le Soir d’une bataille, même Quain, dont la puissante voix n’est que le cri de toute l’humanité souffrante, dont l’altière figure ne peut s’abstraire du grandiose tableau où grouille par imposantes masses confuses la sauvage humanité primitive. Il n’est point jusqu’aux petites pièces de thème essentiellement lyrique, l’Épée d’Angantyr, le Cœur de Hialmar, où le héros disant ses émotions n’évoque à chaque mot le souvenir de ses compagnons.

Seul presque, par ces quelques lignes, M. Paul Bourget fait exception à la règle générale : « Aucune intelligence n’est plus nettement caractérisée que la sienne par le goût et le pouvoir des larges conceptions d’ensemble. Ce qui le frappe dans l’humanité, ce sont les (vastes formes de la vie collective, symbole pieux ou métaphysicien… ce qui le laisse tout au contraire indifférent jusqu’à l’oubli, c’est l’individu, la personne isolée et séparée. »

Il n’est plus besoin, après l’admirable et définitive leçon de M. Brunetière, de faire valoir le caractère d’impersonnalité de son œuvre, mais il est indispensable de le rappeler. Et remarquons que des poètes du siècle les plus lyriques sont les plus bourgeois, les plus égoïstes ou les plus égotistes, un Hugo, un Musset, que ce sont les dernières œu-