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et nous n’avons plus de sang dans les veines. Si j’avais de l’argent, j’irais au diable, je ne sais où... (je serais, je crois, capable, dans mon désespoir, d’épouser Inez de Castro……).

… Il ne te reste plus qu’à partir pour Bourbon, si tu es riche comme moi. Nous nous bâtirons une case dans les bois, et nous fumerons le calumet de paix à l’ombre des nattes et des tamariniers. Nous serons heureux et nous aurons beaucoup d’enfants ; notre vie sera douce et tranquille, notre vieillesse sera honorée ; et quand l’heure viendra nous nous en irons ensemble dans Jupiter — hélas !

Adieu, mon bonhomme, ne t’ennuie pas trop et fais les vers, c’est le seul moyen de vivre un peu.


Il ne cesse de travailler. Il a dû, par défaut de modérantisme, interrompre sa collaboration à la Réforme, parce que Lamennais a jugé le premier qu’il ne devait pas y rester, dans un de ses « retours de catholicisme et de légitimisme ». Lamennais « ne veut pas que je blesse[1] les défenseurs de ces idées qui ont été les siennes ;… quand on a été apostat deux fois, je ne vois pas pourquoi on ne le serait pas une troisième. Si ce vieillard atrabilaire a peur de l’enfer, ce n’est pas une raison pour que je partage son épouvante[2] ». Et il ne

  1. Souligné par L. de L.
  2. Leconte de Lisle avait profondément admiré Lamennais et lui conservait une estime toujours vive. La vivacité même des sentiments qu’on a pour des amis fait qu’en certains moments et pour de passagers désaccords, on se plaît à les « attraper ». Ainsi Leconte de Lisle en cette lettre à Ménard dont quelques mots très durs sur Lamennais ne sont visiblement que des boutades, violemment pittoresques ainsi qu’il en faut pour relever le ton des lettres entre infimes.