— et qui nécessite qu’on y insiste — frappant et
révélateur. Baudelaire, nature généreuse, mais
inconstante, était essentiellement artificiel. Il n’a
jamais été consciencieux que comme artiste, encore
est-ce parce que l’art n’était pour lui qu’une somme
d’artifices. Leconte de Lisle est avant tout naturel.
Baudelaire goûte la civilisation décadente, fardée
et cosmétiquée, les aristocraties en décomposition,
les femmes maquillées et leurs manières
simiesques ; Leconte de Lisle rêve la jeune Humanité de
la préhistoire, une robuste démocratie et la beauté
naïve des vierges pures. Baudelaire ne sera
républicain qu’un jour de bruit, de fumée etde poudre ;
Leconte de Lisle profondément et avec constance.
1848 lui fut un symbole et un enseignement. La révolution échouait malgré l’énergiedes convictions. Pourquoi l’amélioration sociale était-elle indéfiniment ajournée ? La masse était brute, inerte ; l’intelligence n’éclairait point le courage ; la foule n’était pas soulevée et tendue en élans méthodiques et conscients. Pas assez impulsive pour se livrer sans crainte à son instinct, pas assez intelligente pour seconder, servir les chefs ; elle manquait de souplesse et de finesse autant que de « spontanéité » ; elle n’avait pas le sens d’harmonieuse adaptation. L’effort calculé du dirigeant s’émoussait, voire s’anéantissait dans la confusion aveugle de son concours, souvent même elle ne discernait pas le geste qui la conviait et la guidait. Il fallait désor-