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peine l’état d’abrutissement, d’ignorance et de stupidité naturelle de cette malheureuse Bretagne…

J’ai écrit à de Flotte. Voyez-le donc et priez-le d’aiguillonner ce sacré club de tonnerre de Dieu !

Vous rejoignez, dites-vous, votre régiment. Qu’avez-vous et quelle mouche vous pique ? Payez donc, si possible, un remplaçant et restez à Paris. Tout est peut-être à recommencer. Il est clair comme le jour qu’on veut nous escamoter la Révolution. L’Assemblée sera composée de bourgeois et de royalistes. Elle votera de belles et bonnes lois réactionnaires, laissera l’ordre social et politique existant sous Louis-Philippe subsister indéfiniment et, qui sait ? nous imposera bientôt une autre royauté. Eh bien ! on en verra de rudes. Je ne désespère pas pour mon compte d’aller crever au Mont-Saint-Michel.

Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance ! Que le peuple est stupide ! C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. Aussi ne sera-ce pas pour lui que nous combattrons encore, mais pour notre idéal sacré. Qu’il crève donc de faim et de froid, ce peuple facile à tromper, qui va bientôt se mettre à massacrer ses vrais amis !

Voici que la réaction m’a rendu communiste enragé.

Tout cela n’empêche pas, mon ami, que je ne vive toujours sur les hauteurs intellectuelles dans le calme, dans la contemplation sereine des formes divines. Il se fait un grand tumulte dans les bas-fonds de mon cerveau mais la partie supérieure ne sait rien des choses contingentes.

Le peuple français a grand besoin d’un petit comité de salut public qui le force, comme disait cet autre au club Blanqui, d’après Mme de Staël, à faire un mariage d’inclination avec la République.