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assez bien, l’ayant parcourue quand, vendues les correctes mises commandées par l’oncle[1], il en employait l’argent à de longues et fantasques excursions, bâton en mains, par les champs et par les grèves de la Basse Bretagne, avec son ami Villebranche comme plus tard avec Th. Rousseau : nuits en les hospitalières granges paysannes, romanesques aventures de périls au caprice de la mer au Mont Saint-Michel, — et aux rivières les pêches pittoresques pour les repas simples, à la Jean-Jacques. De beaucoup c’est la religion de France qu’il connaît le mieux, puisque sa jeunesse s’y est écoulée ; c’est le pays dont il a également une sorte de magnétique intuition, étant la terre originale. Il la choisit donc, et il ne faut voir que son ardent besoin de s’affirmer aux heures de lutte active autrement que par la propagande spirituelle. Il n’y a pas un mois, il suscitait le mouvement anti-esclavagiste de la jeunesse créole. Le besoin de l’action le saisit et l’emporte[2].

Il revoit Dinan. Il y a 10 ans il y débarquait ; la province stagnait, et la France — universellement provinciale — stagnait, molle et indolente, sous la lâcheté du gouvernement de Louis-Philippe ; son cœur attendait quand même l’avènement de la République. La voici apparue frémissante qu’il faut retenir et fermement fixer. Les espérances ne mentaient point : l’âme se soulève de confiance, l’en-

  1. C’est du moins ce qu’affirmait M. Louis Leconte à des parents.
  2. L’ironie, dépensée par un de ses biographes à propos de sa mission en Bretagne, est plus que déplacée. Elle vient d’ailleurs de ce que Leconte deLisle était très convaincu et très actif : la raillerie jappe toujours à l’enthousiasme.