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port, d’action, mis à sa disposition »,… « adresser chaque jour à la Commission du Comité Révolutionnaire un rapport détaillé sur l’état de l’opinion de la localité qu’il aura visitée, les démarches faites, signaler les obstacles rencontrés, les résultats obtenus ainsi que ceux qu’il attend de sa mission. Il doit être précis, pas de phrases, beaucoup de faits. »

Le terrain échu à Leconte de Lisle n’est pas des meilleurs : plus qu’aucune autre région de France, on peut craindre que la Bretagne ne se soit laissé impressionner, devant la brusque révolution de 48, par les souvenirs de 1793 : l’ancienne ténacité irraisonnée subsiste et la masse n’est guère plus éclairée qu’en 1789. Pourquoi Leconte de Lisle s’offrit-il à être le délégué du Gouvernement provisoire ? Parce que, sans doute, il ne s’apparaissait pas à lui-même comme le républicain seulement fervent d’inspiration, de rêves généreux, répugnant naturellement à toute action, qu’on s’est appliqué à faire de lui ; parce que ses articles de la Démocratie pacifique n’étaient pas de la simple littérature, dans laquelle ne gronde l’accent d’aucune sincérité. Le moment critique depuis longtemps prévu était venu. Il avait demandé l’action[1] : énergique et véhément, il avait besoin d’agir, avec vigueur et précision : il crut pouvoir le faire ; il le voulut.

Il se dirigea vers la Bretagne qu’il connaissait

  1. « Avec quelle joie, écrivait-il en 1846, je descendrai de la calme contemplation des choses pour prendre ma part du combat et voir de quelle couleur est le sang des lâches et des brutes. Les temps approchent à grands pas et plus ils avancent, plus je sens que je suis l’enfant de la Convention et que l’œuvre de mort n’a pas été finie. »