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fleurs dont Robespierre couronnait ses oraisons ; la Raison se pare d’allégories pour une nouvelle fête cérémoniale. L’heure est essentiellement pathétique, théâtrale. La gravité solennelle de Leconte de Lisle, sa hauteur olympienne s’y emploient naturellement. En ses articles, l’éloquence socialiste s’illustre de la vision symbolique et dramatique des Fléaux présents et de la Félicité prochaine.

Le lyrisme de l’époque des articles de Leconte de Lisle est la seule « forme » légitime correspondant à ce qui faisait le « fond » de la pensée et de la raison politique alors nécessaires. On avait bien le sentiment, fort peu « littéraire », que la question économique était primordiale : « En vérité, écrit Leconte de Lisle dans une lettre, s’agit-il donc de catéchiser le peuple au nom d’une morale vaine quand le peuple a faim ? S’agit-il de lui enseigner les variations politiques de son pays, quand on fonde de toutes parts l’esclavage du salariat par le capital, quand il vaut mieux mille fois être un noir des colonies qu’un ouvrier libre de l’Europe civilisée. » Elle seule pouvait assurer le bonheur populaire auquel il faut tendre selon toutes ses énergies. Mais encore l’ignorance ou l’indifférence des gens de la campagne, de la grande majorité, exigent-elles une ardeur, une foi, un optimisme dont la chaleur seule saura être persuasive, dont le lyrisme est l’unique forme d’expression exacte, et non seulement exacte mais efficace. « Nous croyons, écrivait Leconte de Lisle à son ami, qu’un nouveau monde est proche où l’on ne fera plus un crime à l’homme d’aspirer au bon-