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sourire les professionnels de la politique, On sait l’axiome précisément consacré en 1848 : « Un poète est un poète ; un homme politique est un homme politique. Le premier ne peut pas plus devenir un homme politique que le second poète ? »

Cependant le lyrisme[1] est plus à sa place dans un discours électoral que les pompeuses philosophies courantes. Dans les articles de Leconte de Lisle s’atteste la chaude sincérité, se communique le zèle des convictions à travers le vague des formes oratoires que nécessite un article de propagande populaire ; le raisonnement se décore, se drape, avec quelque maladresse d’inhabitude, de la pompe du verbe) pour en imposer au public. Ce n’est pas ici le poète qui se trahit en l’orateur, c’est l’orateur dont l’émotion recherche l’état de la poésie. Il serait malaisé de trouver dans les journaux de l’époque un article de propagande qui n’empruntât point ces magnifiques allures déclamatoires : le démagogue le moins suspect d’imagination poétique fleurit son discours d’images lyriques, le plus habile et le plus froid dialecticien a besoin de cet embellissement littéraire. C’est le décorum de la Convention, une ardeur nouvelle rend la vie aux

  1. Pour une idée exacte de la vie spirituelle des grands artistes jeunes à cette époque, citons ces lignes de M. H. Lichtenberger :

    « Ce qui frappe, tout d’abord, dans la conception générale qu’Ibsen se fait de la vie, était le caractère idéaliste et révolutionnaire de ses conceptions philosophiques et morales… Wagner en 48 invoquait en de dithyrambiques articles de journaux la déesse de la Révolution, « ce principe de vie toujours agissant, ô Dieu unique que tous les êtres reconnaissent, qui gouverne tout ce qui est, qui répand partout la vie et le bonheur. »… Même compréhension de l’individualisme qui n’est qu’indépendance vis-à-vis de l’opinion ou des circonstances, (Revue des cours et conférences, 11 mai 1889.)