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Mais après révocation féale et enthousiaste de l’antiquité grecque, après les paroles de dévotion et de regrets pour un idéal splendide mais aboli, le poète se reprend à la vie actuelle ; et, avec courage, de l’idéal qui derrière lui s’éteint, il détourne sa face vers l’idéal de nouvelle religion qui luit à l’horizon moderne :


Nous ne sommes point nés à l’époque finie
Où la mère des Dieux, l’ardente antiquité,
Voulut vivre et mourir de sa propre beauté !
Non, non ! — sur la limite où notre âme chancelle,
Oh ! cherchons en avant l’Hélène universelle !
Non le marbre vivant, mais l’astre au feu si beau
Qui reluit dans nos cœurs comme un sacré flambeau !
La multiple beauté dont l’attraction lie
D’un lien d’amour le ciel à la terre embellie,
Et qui fera tout homme, au moment de l’adieu,
Plus digne de ce monde et plus digne de Dieu !


Tel, l’amour universel, à quoi il faut désormais vouer l’effort. Mais pour cela la poésie, l’art et le Beau ne lui semblent point ne devoir être que des débris et reliques de l’ldéal périmé du passé grec : il leur dit ces paroles qui ne sont point seulement de reconnaissance pour ce qu’ils furent dans le passé, mais d’encouragement pour ce qu’il augure de leur avenir social :


… — forme, idée ! ô beauté, sois bénie !
Sublime identité d’où jaillit l’harmonie.
Sois bénie à jamais, sainte langue des dieux,
… Sois bénie à jamais sur terre comme au ciel,
Toi par qui l’Amphion du culte essentiel
Bâtira de ses chants la Thèbes éternelle.
Toi qui, faisant vibrer la corde maternelle,
Toujours une et multiple et sept fois palpitante.
Pleine d’accords divins, verseras en chantant.
Comme en deux cœurs touchés par ta voix inspirée.