Leconte de Lisle n’y prouve pas encore la maîtrise
célèbre de sa grande Trilogie ; mais la violence du
verbe imagé, la sûreté du rythme et son ampleur,
l’audace et la majesté des inspirations en font
assurément une partie considérable et même glorieuse
de son œuvre. Ces poèmes, publiés de 1845 à 1848,
tirent surtout leur importance d’être l’expression
artistique spontanée et hardie, convaincue et
candide, des conceptions profondément socialistes de
Leconte de Lisle à la veille de la Révolution.
En 1845, se succèdent Hélène, droite et claire de courageuse lumière ; Architecture, brutale, un peu confuse, mais ardente de foi neuve ; la Robe du Centaure, sanglante et fanatique de vie belliqueuse ; les Épis, vastes et profonds d’optimisme sacerdotal.
Le poète invite un « apôtre épris d’amour pour l’antique beauté » à s’embarquer avec lui vers la Grèce, en « doux pèlerinage ». Ils descendent sur la terre d’Hélène, exaltent pieusement leur âme au souvenir harmonieux de la Beauté ancienne, puis ils commencent de déplorer que l’on n’en ait point gardé le culte :
De votre sein fécond Hélène révélée
Pour un aveugle monde enfin s’est envolée ;
Et ce monde la voit et ne la connaît pas !
Dans l’inflexible cercle où cheminent ses pas
Il gémit sous le poids de son ombre première,
Ne sachant point qu’Hélène est la toute lumière.