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l’Âme, on retrouve l’élégie traînante à la Lamartine, la vision à vol d’aile de Hugo, la méditation éloquente à la Sand. Mais déjà s’affirme une personnalité dans le culte du a calme » allié au « sublime » du « serein » dans le « solennel » ; dans un sentiment indicible et souverain, de « la jeunesse », de « l’aurore », du « matin », du « primitif », de « l’innocent » ; dans une constante préférence pour le « doux », le « virginal » ; dans un amour discret et fier de l’« impérieux » et du « chaste » ; dans uneconception de la force, du fécond dans le pur ; dans l’admiration de ce qui est large, généreux et « s’épanche ». Il possède déjà l’art nuancé des vers mélodieux, et des mètres sonores en qui la pensée se sculpte et se dresse. Mais l’originalité qui se marque le plus, c’est le don d’embrasser en un déroulement de vers grandioses des harmonies d’immensité, des visions d’espace. Déjà il s’annonce un admirable évocateur de l’Étendue…

Les traversées sont longues : pendant trois mois, la poitrine dilatée de l’air du ciel et des vagues, il flotte dans le « sans borne » ; enivrés le jour par le mouvant éblouissement des lames et les mirages nacrés des nuages parmi l’onde, les yeux, la nuit, s’apaisent et plongent dans le ciel. La poussière d’or des astres tournoie au vide immense. Au-dessus du silence des eaux intarissables, ils déroulent un murmure indéfini et splendide : dans un émerveillement d’ombre et de lumière, la pensée voyage de planète en planète, un instant sentimentale à des rêveries de migrations stellaires ; l’âme, dans une subtile attraction, s’enroule aux courbes étincelan-