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LECONTE DE LISLE

Quel cas il fait alors de la forme ? Casimir Delavigne : « le premier de nos poètes corrects, si toutefois il n’est pas seul à l’être »… et là se limite son estime. Tel qu’on le connaît par ses lettres où il s’abandonne à une nature impulsive, par ses poèmes qui se soulèvent jusqu’à l’extase des plus libres aspirations, il n’est alors pas assez soumis ou maître de lui-même, beaucoup trop indépendant pour s’assujettir à la contrainte de la forme. Que reprochera-t-il à Théophile Gautier, sinon de tout sacrifier au « style », de faire de « l’art pour l’art », c’est-à-dire de l’artificiel.


M. Théophile Gautier, l’excentrique auteur de Fortunio et de la Comédie de la Mort, est un lion littéraire très spirituel. Nous entendons par lions littéraires ces jeunes écrivains qui font de l’art pour l’art, à l’aide d’un style plus ou moins original, et qui finissent en un ou deux volumes in-8 par mystifier fort agréablement le lecteur bénévole. Pourtant M. T. Gautier s’est écarté, momentanément sans doute, de ses habitudes ironiques, en publiant de remarquables morceaux sur l’Espagne, sous le titre de Lettres d’un feuilletonniste. Les vieux couvents, l’architecture arabe, les courses de taureaux, le Prado et l’Escurial, ainsi qu’une foule d’autres découvertes aussi rebattues, ne peuvent ôter un grand charme à l’œuvre littéraire de M. T. Gautier.


Parmi les romanciers, il a abondamment lu Alexandre Dumas qui enfièvre généralement le sang des créoles par je ne sais quelle chaleur chevaleresque et matamore. Mais voici que l’auteur de ces drames où s’était éduqué son républicanisme