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LECONTE DE LISLE

Si le XVIIIe siècle ne fut pas un siècle de poésie, c’est parce qu’elle s’y réduisit à être un pur exercice de forme, pour les Voltaire comme pour les J.-B. Rousseau. Enfin vint Chénier. Ce que Leconte de Lisle distinguera en lui, ce ne sera pas renseignement d’une forme hellénique, le retour à l’antiquité, mais le charme lyrique de la volupté, la naturelle, la créole spontanéité du sentiment :


Pindare et Anacréon étaient demeurés ses dieux et son propre foyer de lyrisme intérieur. Les rêves sublimes du spiritualisme chrétien, cette seconde et suprême aurore de l’intelligence humaine, ne lui avaient jamais été révélés. Nous Dépensons même pas qu’il les eût compris. André Chénier était païen de souvenirs, de pensées et d’inspirations ; il a été le régénérateur et le roi de la forme lyrique, mais un autre esprit puissant et harmonieux lui a succédé pour la gloire de notre France ! Ce doux et religieux génie nous a révélé un Chénier spiritualiste, disciple du Christ, ce sublime libérateur de la pensée ; un Chénier grand par le sentiment comme par la forme, M. de Lamartine…

Sait-on ce qu’il a fait de l’amour, de l’enthousiasme et de l’énergie, ces trois rayons de la poésie spontanée ignorée avant lui ?… Il en a fait Lamartine, Hugo, Barbier, le sentiment de la méditation ou de l’harmonie, l’ode, l’image…


On se serait attendu à ce qu’il nommât Alfred de Vigny, mais s’il connaît Chatterton (1830), il semble qu’il n’ait point lu les Poèmes antiques et modernes de 1826. Il ne cite Vigny ni dans ses lettres, ni dans ses vers, ni dans ses articles de critique. Il est vrai qu’il aime alors la poésie spon-