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LES DÉBUTS DANS LA LITTÉRATURE

Corneille qui, par la furia épique de son génie, y apparaît unique :


La poésie, inspiration créatrice et spontanée, sentiment inné du grand et du vrai, n’existait plus alors, nous le croyons. — Elle était morte dans les dernières années du XVIIe siècle. À l’énergie avait succédé l’inerte timidité académique, à la spontanéité du génie la lente réflexion, à Corneille Racine. — Car la poésie, telle que nous la concevons, telle que nous l’avons apprise de voix géantes et harmonieuses, la poésie ne saurait être ce qu’ont écrit Malherbe ou Boileau. Comme poètes, avons-nous jamais compris ces hommes ? — Nous les avons oubliés. — L’intelligence primitive qui enfanta le Cid et Polyeucte n’eut pas de successeur. Lui était-il possible d’en avoir ? — Connaît-on un autre Skakespeare ? — Phèdre et Athalie elles-mêmes, ces deux magnifiques expressions antiques, ne révèlent qu’une prodigieuse puissance de forme, rien de plus : Athalie fut écrite en douze ans.


Citant cette phrase que Leconte de Lisle écrit à Uouffet à propos d’un sonnet : « Il ne reste à changer que l’expression ; et c’est là que doit tendre l’effort du poète, en tout et pour tout, » M. Guinaudeau demande : « Ne voilà-t-il pas le programme du Parnasse ? Ne voilà-t-il pas le programme des poètes qu’on prétendit railler à leurs débuts, en les appelant, avec dédain, formistes ? » Précisément, Leconte de Lisle n’a jamais moins été parnassien d’intention qu’à cette époque. Avec Hugo il préfère Corneille à Racine, qui « ne révèle qu’une prodigieuse puissance de forme, rien de plus ».