l’avidité de la jeunesse donnent à cette nomaderie
intellectuelle un charme ondoyant d’énergie et de
douceur qui berce l’esprit dans des alternatives de
conquête et de désintéressement où il aspire tour
à tour à se laisser subjuger par les génies étrangers
et à les pénétrer pour en tirer seulement l’aliment
nutritif de son génie individuel qui les embrassera
tous. L’adolescent interroge et suit toutes les
littératures comme il scrute les jeunes filles qui
séduisent son naturel instinct polygamique[1], il admire
avec passion la brune Italie, d’une beauté plus
ardente dans l’hallucination florentine de sa
douleur, et la mélancolique Allemagne aux poèmes
blonds et longuement tressés, aux bleus rêves
sentimentaux, aux chastes fanatismes, il les aime avec
un enthousiasme qui n’aveugle pas le sens critique
éveillé par la diversité même de sa culture et de
ses aspirations.
Dans la littérature allemande il a lu notamment Schiller — chez qui il choisit des épigraphes à ses poèmes, — Gœthe[2] et Jean-Paul Richter. De nature active et lumineuse, s’il est vrai qu’il tente toujours de se maintenir aux hauteurs de la pure idéalité, il réagit de toute sa jeunesse contre le sentimentalisme mol et nébuleux qui couvrit l’Allemagne après le rayonnement de Gœthe et de Jean-Paul. Lui-même n’a pu se défendre de l’emprise du mys-