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L’ADOLESCENCE EN BRETAGNE

mois de janvier 1840. » Les lettres qu’il a reçues de son père affermissent sa volonté. Il écrit à l’oncle de Dinan :


C’est sans doute avec une résolution sincère, inébranlable que je viens vous prier en toute humilité — si l’on peut être humilié d’avouer franchement ses torts et de revenir au sentier de son devoir — de vouloir bien faire part à mon père de mes regrets, de mes remords même ! et de ma décision arrêtée d’employer toute ma volonté à réparer par un travail continu le temps perdu dans de vaines espérances… Je ne veux être à charge de personne et je m’aperçois, pour la première fois, que depuis ma naissance je ne fais que cela… Ma résolution est irrésistiblement prise. Que je ne sois qu’un vil lâche si j’agis autrement que mon devoir me le commande[1].


Mais il eut beau faire tous les efforts, se vitupérer de lâcheté, il ne sut renoncer aux vaines espérances, il ne put s’attacher à l’étude du Droit : au mois de mai 1840 la pension allouée par la famille est à nouveau rognée. Il n’a plus le sou ; au risque de s’abîmer dans une solitude lourde, il prie Rouffet de ne plus lui envoyer de lettres que quand il aura de quoi les affranchir ; il ne sait que devenir : s’il pouvait trouver une place quelconque qui lui permît de vivre et d’écrire, ill’accepterait avec joie ; « tenez, il y a des moments d’abattement où l’expansion même fait mal. »

Le découragement est profond : il ne peut penser avec sérénité à son pays, car il lui rappelle le mécontentement de sa famille ; peut-être songerait-il

  1. Fragments d’une lettre publiée par M. Tiercelin.