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L’ADOLESCENCE EN BRETAGNE

tempérament. Mais, enfant d’une île chaude et pure, il a peur de reconnaître en lui la voluptuosité naturelle à la puberté. Il craint qu’elle ne dégénère en sensualité qui puisse ternir la gloire de ses rêves. C’est par une frénétique passion de la pureté, une fierté de se maîtriser, la pudeur d’une âme vierge, qu’il a voulu obstinément se cacher qu’il était d’une nature sensuelle. Avec quel pénible émoi devra-t-il en avoir lui-même la révélation :


N’est-il pas étonnant, mon ami, que la beauté agisse parfois aussi violemment sur notre âme ? Car enfin, lorsqu’on dit souvent que la grâce extérieure n’est que le reflet d’une grâce mystérieuse, il n’en est pas moins vrai que la vue d’une forme pleine d’harmonie fait naître dans l’âme de subtiles ivresses qui, cependant, ne sont pas l’effet de la pensée exaltée ou des sens émus. Vous devez avoir éprouvé cela ? Pour moi, voilà ce que je ressens toutes les fois que je revois et que j’entends Léontine Fay. Mon Dieu ! que je suis enjant encore ! Pendant quinze jours, je serai inquiet, tourmenté, incapable d’aucun travail ; c’est à peine si je puis vous écrire tant mes idées sont confuses. Des inquiétudes nerveuses me courent de la tête aux pieds… j’ai mal à la tête… il fait si chaud !… J’ai beau dire que c’est une folie et me le prouver par cent mille raisons toutes plus raisonnables les unes que les autres, rien n’y fait. Tenez, en vous écrivant ceci, mon cœur bat à me rompre la poitrine et, pour comble de détresse, quoique je vienne de déjeuner, j’éprouve une faim atroce ! C’est vraiment extraordinaire. Dites-moi donc, mon bon ami, ce que vous pensez. Entre nous, je crois que je suis amoureux.


Ce pIatonisme était une illusion volontaire de