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Mais Pierre ne s’arrêta pas. Il venait d’atteindre avec Violette une belle route pavée qui fuyait très loin dans les bois, entre les anciennes bornes royales que les majestés disparues ont marquées de leurs fleurs de lis.

À droite, à gauche, c’était l’inquiétant fourré, le taillis si méchant qu’il ne laisse même pas au soleil le droit de lui faire de petites visites chaudes.

Holà ! Un bruit suspect… des branches qui remuent, des herbes froissées. Qu’est-ce donc ? Un loup, peut-être ? Pierre est brave. Incontinent, il tire de sa poche un pistolet qu’il avait caché à Violette.

— Ho ! dit en riant Violette, qui aurait bien voulu être un peu effrayée… Ce n’est qu’un pistolet à bouchon ! Vrai ! Si c’était une-bête sauvage, tu ne l’aurais pas tuée, mon petit !

Pierre fut très humilié.

— Non, mais je lui aurais fait peur.

Sur ces mots, la bête sauvage traversa le « pavé du Roi ». Elle n’était pas très imposante. C’était un lapereau qui cavalcadait en remuant la drôle de houppette de sa queue mi-blanche.

Violette fut assez déçue.

— C’est ennuyeux, la grand’route, fit-elle. Si on prenait ce petit chemin sous bois ?

— Oui, c’est ça.

Les enfants s’engagèrent dans un layon. Cette nuit, le ciel avait versé son grand arrosoir sur la forêt. Ça sentait bon. Il y avait des gouttelettes de diamant sur le métal des feuilles de chêne. Les bouleaux en robe blanche secouaient leur vert manteau, les peupliers frileux tremblaient et frissonnaient de pluie. Les champignons étaient heureux de pousser dans le cristal des herbes humides, qu’une brise légère courbait en d’innombrables révérences.

Tout à coup, Pierre s’arrêta, pétrifié comme s’il avait été chargé en statue de sel :

— Oh ! fit-il. Oh ! regarde, Violette. Mais regarde donc !

Les yeux de Violette s’écarquillaient.

— Oui, ça c’est très curieux !

— Sûrement, c’est Cendrillon qui aura passé par là !

— Ma foi, peut-être, répondit Violette, que tout doucement gagnait l’amour du merveilleux.

… Mais que viennent donc de découvrir les enfants ?

Sur le sol mouillé du chemin, c’est l’empreinte très visible d’un tout petit pas !…

Un peu tremblant, Pierre applique la pantoufle « de vair » sur une des empreintes.