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Les échos dociles de la forêt répétaient partout ho ! ho ! ho ! hi ! hi ! hi ! hé ! hé ! hé ! Les innocents piverts eux-mêmes, dont on semblait narguer le cri, n’en revenaient pas et s’enfuyaient derrière les arbres pour y cogner du bec : toc ! toc ! toc ! Seules les palombes semblaient plaindre la pauvre vieille, car c’est avec tristesse qu’elles chantaient : crou, crou, crou, en saluant poliment de la tête.

Les enfants demeuraient immobiles.

Folette les fit monter à nouveau dans la barque, qui descendit sans bruit au fil de l’onde.

L’âcre senteur de la vase montait chaude, le soleil jetait des paillettes sur le sillage. Des nénuphars effleurés cachaient sous le glissement insensible de l’eau leur précieuse tête d’or pour ne pas être décapités par les rames. Et de grosses libellules curieuses planaient dans leurs cuirasses aux ailes de sylphes au-dessus de la barque légère, où l’Enfance était conduite par la Folie.

Des minutes passèrent. Puis, la vieille petite dame amarra la barque sous la voûte d’une futaie très sombre.

Elle ne disait mot. D’un signe, elle indiqua à Pierre et à Violette qu’il fallait descendre. Les enfants obéirent et, remontant le courant à coups de rames perlées d’eau comme des pleurs, Folette s’en fut toute seule.

Violette et Pierre, debout sur la berge, au milieu des marguerites des prés et des iris, l’allaient remercier quand ils l’entendirent à nouveau chanter, l’œil vague, le regard lointain, cette étrange variante de sa chanson :

Dansons pour Boisgarnier,
Dansons pour des Aubiers,
Leurs noms seront mêlés,
En justes noces alliés.
Quié !

Doucement, la vision étrange disparut à un tournant de la rivière. Les petits osaient à peine se regarder quand ils crurent entendre un bruit de sanglots… Puis, inattendu, cruel, un cri déchirant fendit l’air, cri d’angoisse, cri de désespoir :

— Marie Claire ! Marie Claire !

— C’est Mme Folette, murmura Violette impressionnée. Des fois, elle crie comme ça. On ne sait pas du tout ce que ça veut dire, on ne sait rien de sa vie.

Toc ! toc ! toc ! faisaient encore les piverts malins derrière le barrage de peupliers alignés sur le sol humide. Et, sans doute, ils conviaient les petits à venir goûter les joies sauvages de la forêt profonde.



V

Où il est montré comment Peau d’Âne et don Quichotte portèrent secours à Cendrillon


Encore émus de leur étrange aventure, Pierre et Violette marchaient sans rien dire sur le velours des mousses où s’enfonçaient leurs jeunes pas. Vraiment, la forêt semblait accueillante. Les ancolies baissaient leurs têtes roses pour saluer des enfants, tandis qu’au contraire se redressaient les iris aux visages parfumés comme pour leur dire : « Arrêtez-vous, petits, arrêtez-vous et dites-nous si les senteurs de l’eau, de la forêt et des prés ne valent vas tout l’or du monde que vous allez quérir ? »