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De son côté, Mme Boisgarnier était soucieuse. Elle semblait gênée vis-à-vis de son fils. On ne voyait plus à Vimpelles M. des Aubiers, qui, de nouveau, demeurait des journées entières à chasser. Tous deux, sans doute, avait consenti leur sacrifice.

Ayant compris le chagrin de leurs enfants, il est probable qu’ils avaient renoncé au projet de mariage à peine ébauché dont Pierre et Violette avaient saisi le secret.

Une fois, cependant, tandis que Mme Boisgarnier brodait en silence devant la cheminée du salon de Vimpelles, où pétillait le premier feu de l’automne, les enfants, qui s’étaient assis près d’elle, tendirent l’oreille avec curiosité.

On frappait à la porte.

— Entrez ! fit Mme Boisgarnier en tressaillant.

C’était M. des Aubiers, qui s’avançait un peu contraint et l’air embarrassé. Sa main taquinait avec obstination les breloques de sa chaîne de montre. Pierre remarqua que sa tenue était négligée. On voyait, cette fois, qu’il ne s’était pas mis en frais de toilette pour chercher à plaire. Ses souliers poudreux indiquaient une longue marche. Un mauvais pli au genou enlevait à son pantalon de chasse usagé toute son élégance première.

— Madame, dit-il d’une voix un peu terne, vous excuserez mon invasion chez vous. Je viens pour affaires. J’arrive de chez le notaire du bourg, qui m’a trouvé un acquéreur pour le château des Aubiers.

Sans pouvoir retenir un gros soupir, il ajouta, avec un enjouement qui sonnait faux :

— Je me débarrasse de cette vieille bicoque de famille. L’offre est sérieuse et me permettra de régler certaine dette que vous connaissez. Je voudrais seulement, madame, implorer de vous une faveur. Le séjour ici semble vous faire du bien, votre cher petit s’y porte à merveille… Vous êtes ma locataire jusqu’au premier octobre… Je vous demande de prolonger un peu votre séjour… Oh ! soyez tranquille : je ne vous importunerai pas de mes visites, mais… je vous en prie… madame, ne dites pas non. Violette jouirait de la présence de son petit ami… et puis… mon Dieu, oui ! même moi, sans vous voir (car j’aurai bien des questions d’affaires à régler avant mon déménage-