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Elle s’assit, épuisée par son effort. D’ailleurs elle était lasse de lutter. Plutôt que de le devoir encore à des prières, à des larmes ou à des menaces, elle préférait le perdre. Il fallait qu’il triomphât seul, par la toute-puissance de son amour et l’affranchissement de ses bons instincts.

Ils restèrent longtemps immobiles. Et plus les minutes s’accumulaient, plus Madeleine se rassurait sur le dénouement. Elle les compta, ces minutes, seconde par seconde, avec la volonté tenace qu’il s’en ajoutât d’autres, beaucoup d’autres, où Pascal demeurerait de la sorte, impassible, de plus en plus indifférent à ce qui se passait en dehors d’elle et de lui. Toute son énergie d’amoureuse se réduisait à ce vœu d’immobilité et d’attente. Mais soudain elle fut prise, emportée vers le lit comme une proie, et Pascal la serrait contre sa poitrine, l’étreignait à la briser et murmurait ardemment :

— Madeleine, Madeleine, sois à moi, pourquoi tarder davantage ? C’est de la folie, puisque je t’aime et que tu m’aimes.

Elle se débattait. Sous l’assaut furieux des baisers qui heurtaient ses joues et son menton, elle ne songeait qu’à dérober ses lèvres aux lèvres avides. Il se désespéra.

— Madeleine, tu t’es promise… rappelle-toi… « je serai tienne quand l’heure sera venue »… l’heure est venue, Madeleine.

Son souffle, son désir, la brûlaient. Elle se sentit sans force contre lui. Vaincue, elle lui dit simplement :

— Fais de moi ce que tu veux, Pascal… mais j’avais rêvé autre chose… ça n’est pas digne de nous.

Il la rejeta brusquement, fit quelques pas au hasard, puis courut à la fenêtre et l’ouvrit toute grande. La nuit entra. Assis au rebord et ployé en deux, il ne bougeait pas, la tête entre ses mains. Elle vint auprès de lui.

— Ne m’en veux pas, Pascal, toi-même tu aurais regretté cela mortellement… c’eût été de la vengeance plutôt que de l’amour… et puis ici… comme eux… furtivement, non, ce n’est pas ainsi que nous devons être l’un à l’autre.

Un sanglot le secoua.

— Pourquoi pleures-tu, mon Pascal ?

— Je pleure parce que tu es bonne et que tu n’as pas de colère… me pardonneras-tu cette fois ?

— Il n’y a pas de pardon entre nous, Pascal, nous marchons à travers tant d’obstacles !… il est naturel que nous fassions des faux pas.