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VICTOR, DE LA BRIGADE MONDAINE
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Il se rapprocha d’elle, et, d’une voix plus grave :

« Mais est-ce bien la peine ? Quand je pense à vous — et j’y pense souvent — je me demande si toute votre vie n’est pas un danger ininterrompu. »

Il lui sembla qu’elle rougissait légèrement.

« Qu’est-ce qui vous fait supposer ?…

— Donnez-moi votre main… »

Elle lui offrit sa main. Il en examina la paume longuement, penché sur elle, et il prononça :

« C’est bien ce que je pensais. Si complexe que vous paraissiez, vous êtes au fond une nature facile à comprendre, et ce que je savais déjà par vos yeux et par votre attitude, j’en ai la preuve par les lignes très simples de votre main. Ce qu’il y a d’étrange, c’est cette association de hardiesse et de faiblesse, cette recherche continuelle du péril et ce besoin d’être protégée. Vous aimez la solitude, et il y a des moments où cette solitude vous effare et où vous feriez appel à n’importe qui pour vous défendre contre les cauchemars créés par votre imagination. Il vous faut dominer, et il vous faut un maître. Vous êtes faite de soumission et d’orgueil, forte devant les épreuves et désemparée devant l’ennui, devant la routine, les habitudes quotidiennes, la tristesse, la monotonie de la vie. Ainsi, tout en vous est contradiction, votre calme et votre ardeur, votre raison qui est saine et vos instincts qui sont violents, votre froideur et votre sensualité, vos désirs d’amour et votre volonté d’indépendance. »

Il avait abandonné sa main.

« Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ? Vous êtes bien telle que je vous vois. »

Elle détourna les yeux, gênée par le regard aigu qui