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VICTOR, DE LA BRIGADE MONDAINE

Mais Mauléon avait beau prétendre qu’il agissait, lui, au grand jour, il n’ouvrit pas la bouche sur ses plans.

« Le gredin, pensa Victor, il se méfie. »

Désormais, ils se surveillèrent l’un l’autre, tous deux inquiets et jaloux comme deux hommes dont la destinée est en jeu, et dont l’un peut être frustré par l’autre de tout le bénéfice de son travail.

Ensemble, ils passèrent une grande journée à Garches, partageant leur temps entre les épouses des deux prévenus.

À sa grande surprise, Victor trouva une Gabrielle d’Autrey plus vaillante et plus dure à la peine qu’il ne croyait. Était-ce la foi qui soutenait cette femme, si attachée à ses devoirs religieux, familière de l’église, et dont l’enquête avait mis en relief les habitudes charitables ? Elle ne se cachait plus comme au début. Ayant renvoyé sa bonne, elle faisait ses courses elle-même, la tête haute, sans souci des marques bleues et jaunes que lui avaient laissées les coups inexplicables de son mari.

« Il est innocent, monsieur le Commissaire, répétait-elle sans cesse. Qu’il ait été dominé par cette vilaine femme, il faut bien que je le reconnaisse. Mais il m’aimait profondément… Si, si, je l’affirme… profondément… plus encore qu’autrefois peut-être. »

Victor l’observait de ses yeux perspicaces. Le visage couperosé de l’épouse exprimait des sentiments imprévus, l’orgueil, le triomphe, la sécurité, la tendresse ingénue pour son mari, coupable de quelques peccadilles, mais qui restait quand même le compagnon de sa vie.

Avec Henriette Géraume, le mystère était aussi troublant. Henriette se dépensait en révoltes, en cris de rage, en discours enflammés, en désespoirs, en injures.