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du poids. Toutes les femmes n’avaient-elles pas des amants ? Pourquoi seule ferait-elle exception ?

Elle invoqua l’exemple de Mme  Ferville. La maîtresse de Paul semblait heureuse, malgré sa faute. Nul ne la soupçonnait. Qui l’empêcherait, elle, d’employer la même habileté, et de garder l’estime du monde ?

Elle se leva et marcha vers la fenêtre. Des gens passaient. Et Lucie se demanda :

— S’il me fallait choisir parmi eux, pour qui me déciderais-je ?

Le premier fut trop vieux, le second trop misérable, les autres trop laids, ou trop gras, ou trop maigres. Elle conclut :

— Ce n’est pas si facile que l’on croit…

Le souvenir de Lemercier la traversa. Ils continuaient régulièrement leurs promenades parallèles et se saluaient avec un sourire affable. Mais les choses en restaient là, soit qu’il n’osât l’aborder, soit qu’il craignit une rebuffade. Souvent Lucie s’en était irritée. Aujourd’hui, cette froideur la désola. Elle souhaita qu’il fût près d’elle. Et elle sentit que si son vœu se réalisait, elle en concevrait une grande joie.

Cette certitude jeta une lueur soudaine sur ses pensées. « Je l’aime peut-être ! » murmura-t-elle.

Ses efforts et ses ruses pour ne point faiblir