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sage mâle et superbe, sa noble prestance, ses grands yeux noirs, sa barbe blonde et soyeuse lui valaient une admiration générale. Amené par Paul et par Chalmin, il s’assit auprès de Lucie et de Mme  Ferville. Elles étaient jolies. Il fit des frais. Leur petit coin fut très animé. Autour d’eux, l’assistance muette et ennuyée les regardait avec envie.

Mme  Ferville montrait une verve étourdissante. En butte aux attaques des trois messieurs, elle leur tenait tête victorieusement. Cet aplomb stupéfiait Lucie. Elle examinait sa voisine comme un être à part, extraordinaire.

Donc cette femme, quelques heures auparavant, s’était donnée. En une minute elle avait renié tout un passé de sagesse, commis l’acte irréparable, couché avec un autre que son mari (Lucie prononça le mot tout bas) et rien n’indiquait sa honte. Elle riait. Elle plaisantait. Le lieutenant Ferville s’approcha, et l’épouse ne rougit point. Elle n’eut pas un geste d’effroi. Plusieurs fois même, Lucie surprit son regard qui se posait sur Paul, doucement, affectueusement, et ce regard la troublait, elle, plus que l’amant.

Les hommages de Lemercier interrompirent ses réflexions. Réputé pour ses succès, il se croyait astreint, avec toutes les femmes, à un