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aux méchancetés. À son tour, elle conçut des doutes. Bientôt, sans raison, ces doutes se changèrent en certitudes. Elle la sacrifia.

Dès lors, elle sentit un grand vide. Des paresses l’étendaient sur le divan de son boudoir, les membres veules, l’esprit désœuvré. Jadis la nouveauté de son existence, ses débuts comme maîtresse de maison, plus tard sa grossesse, la santé de son fils, l’amitié d’Henriette, tout cela l’avait occupée ou divertie, à la suite de son mariage. Maintenant, les mêmes plaisirs ne l’attiraient plus, l’enfant se portait bien, et elle n’avait plus d’amie.

Elle se rejeta sur René. Elle le trouva tapageur et peu caressant, plus affectueux avec sa bonne qu’avec elle-même. Une tentative analogue opérée près de Robert ne réussit pas davantage. Son mari la traitait moins en femme qu’en associée. Il la tenait au courant de ses affaires et du placement de sa fortune. Rien de la tendresse primitive ne subsistait.

En son oisiveté, Lucie eut des minutes de clairvoyance où elle se rendit compte de cette métamorphose. Son isolement s’en accrut. Elle s’ennuya.

La vie la décevait. Elle s’attendait à une somme de plaisirs plus considérable. Lesquels ? Elle ne savait pas, mais ils différaient de ceux qui lui étaient octroyés, baisers conjugaux, cris