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traitant de maladroite et d’absurde. C’était la première fois qu’elle jugeait la conduite de son mari. Cette indépendance lui plut. Et pour la bien marquer, elle le critiqua directement à l’aide d’épithètes malséantes.

Mais se souvenant du but de sa visite, elle aborda la question des potins :

— Voyons, qu’y a-t-il de fondé dans toutes ces médisances ? Un peu de légèreté ?

Mme Berchon éclata de rire :

— Mais rien, ma chère, c’est ce qu’il y a de plus comique. Si vous saviez comme c’est drôle de voir toutes ces bouches pincées, les torticolis de ces dames pour ne pas me voir, les coups d’œil furibonds dont les plus hardies me foudroient, le geste de protection effarée dont les mères couvrent leurs filles quand je les frôle de trop près. Et les hommes donc, maintenant qu’ils me croient perdue, j’en ramène toujours un ou deux comme gardes du corps. J’en pourrais nommer, des gens que j’ai rembarrés !

Elle cita des noms qui stupéfièrent son amie. Puis elle ajouta :

— J’ai gardé le meilleur en dernier. Devinez ?… Monsieur ?… M. Bouju-Gavart… oui, le vieux Gavart, je ne puis m’en dépêtrer.

Un mécontentement indéfinissable envahit Mme Chalmin. Cette confidence l’indisposa contre Henriette. Elle prêta plus facilement l’oreille