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et à Robert, elle trouvait leur société peu récréative. Les journées se traînaient. Nul incident n’en coupait la longueur. L’unique ressource consistait en deux promenades, l’une à pied le long de la Seine, l’autre en voiture du côté de la forêt de Roumare.

Mais les soirées surtout n’en finissaient pas. On y jouait au bésigue, plaisir qui la laissait froide. À peine montée, elle éclatait sous un prétexte quelconque, ou bien, boudeuse, ne desserrait pas les dents, se couchait et tournait le dos à son mari.

Elle revint chez elle, déterminée à secouer sa torpeur. La gaieté et l’insouciance d’Henriette lui parurent un remède salutaire. Le surlendemain, les malles défaites, l’appartement en ordre, elle s’apprêta. Mais, au bas de l’escalier, Chalmin, qui semblait l’attendre, lui dit :

— Je voudrais te parler.

Il ouvrit la porte du salon, lui offrit un siège, s’assit, croisa ses hautes jambes l’une sur l’autre et ses mains sur ses genoux. Il se servait de mouvements solennels. La gravité de ces préludes inquiéta la jeune femme. Il articula :

— J’ai un reproche à t’adresser, Lucie, et je te le dirai franchement, parce que c’est le seul moyen d’éviter des malentendus fâcheux. Voici la chose : je t’ai souvent priée de ne pas sortir avec Mme Berchon, or tu n’as pas tenu compte