Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le grand air ne pouvait que fortifier l’enfant. Cette raison décida Robert. Lui-même du reste rejoindrait sa femme au bout d’une quinzaine. La séparation se fit sans déchirement.

Ce voyage inattendu ravit Lucie. Souvent fatiguée, Mme  Bouju-Gavart pressait son mari d’emmener la jeune femme, et ils erraient ensemble, à l’aventure, avec une sensation de liberté qui les grisait. Les joues roses, les yeux animés, ses fossettes bien dessinées, Lucie marchait allègrement, la poitrine large ouverte à la brise des montagnes. Son compagnon s’essoufflait à la suivre.

Un matin, munis de provisions, ils partirent seuls pour Cauterets. Quatre biques, maigres et nerveuses, brûlèrent la route et escaladèrent rapidement les dix kilomètres de montée. Ils se taisaient, la langue paresseuse, le regard et l’oreille sollicités de droite et de gauche. Au fond de l’abîme, le Gave bouillonnait ; sur le flanc des monts, des sources d’argent dégringolaient, s’évanouissaient, rejaillissaient en cascades, puis s’éparpillaient comme un réseau de veines, se perdaient encore parmi des éboulements de cailloux. Le chemin, creusé à même le roc, côtoyait le précipice, et les fers des chevaux retentissaient sur la route sonore.

À Cauterets, ils louèrent un guide et des ânes et se rendirent au Pont-d’Espagne. Là, ils con-