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aucun symptôme qui les avertît de ce nouvel état de choses, rien que la transformation lente et inévitable que subissent les sentiments les plus fermes.

Excédée de solitude, Lucie renoua ses relations mondaines. Une recrudescence de sympathie la rapprocha de Mme  Berchon. Comme elle, Henriette avait accouché d’un fils. Mais l’enfant, de santé robuste, n’avait pas occasionné les mêmes tourments, ni privé sa mère d’une seule distraction.

Lucie s’intéressa beaucoup aux différents potins qui circulaient en ville. Son amie, désireuse de paraître au courant, en fabriquait avec de vagues paroles recueillies çà et là. Ces révélations ébranlèrent le respect que Mme  Chalmin portait à la haute société de Rouen, et elle dut retirer son estime à quelques dames convaincues de fautes impardonnables. Leurs mœurs l’indignaient. Dans la rue elle évita de les saluer. Elle en causait d’un ton méprisant qui ravissait Robert.

— Quelle nature droite et honnête, se disait-il en l’écoutant.

Une fois, elle demanda à Mme  Berchon :

— Qui donc peut vous renseigner ?

Embarrassée Henriette répondit :

— Un camarade de mon mari, M. Guéraume…, un monsieur charmant…, il vient nous voir