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Sa beauté n’était pas morte. Elle commençait à admettre la déchéance de son corps, mais ce corps vivait toujours dans les yeux de ses amants. Il vivait avec sa splendeur première, avec son exquise pureté, avec la blancheur de sa peau, avec l’harmonie de ses formes. Il vivait gravé dans des cerveaux qui ne pourraient l’effacer. Il vivait comme toute chose parfaite, indestructible parce qu’elle est d’essence divine. Si vieille qu’elle fût, plus tard, elle verrait des êtres qui l’auraient admirée, et la certitude que s’éternisait en eux l’image de son corps éblouissant de jeunesse, la consolerait de son corps usé, déprimé, flétri.

Puis, en second lieu, elle se sentait supérieure aux autres femmes qu’elle fréquentait. Elle s’attribuait plus d’expérience. La vie lui avait divulgué les mystères cachés à la foule. Elle était en droit de discuter et de résoudre les problèmes complexes sur l’amour, le vice, le désespoir, la lassitude, sur l’attachement et sur la passion furieuse, sur les moyens de conserver l’affection d’un homme et sur les moyens de rompre. Elle pouvait pérorer, trancher les questions, conseiller, blâmer et approuver. Car elle savait ce que la plupart de ces femmes ne savaient pas, avantage dont elle tirait, à son insu, un grand orgueil.

Sa religiosité s’accentua. Elle ne devint pas