III
Et son bonheur persistait…
… Non point un bonheur fait de joies réelles et de grandes ivresses, mais cet état de béatitude passive que causent l’absence de chagrins et la satisfaction des appétits essentiels.
Sa vie avait été coupée en deux, net, d’une incision précise, comme une plaine où s’entr’ouvre subitement un abîme. Et l’abîme était insondable, et si large que d’une rive elle distinguait à peine l’autre rive, cette terre où elle avait connu de plus intenses félicités. Elle la voyait confusément, effacée, estompée, ainsi qu’à travers un voile de brouillard. Et elle n’avait, en aucune façon, la nostalgie de son ancienne patrie. Comme une plante gonflée d’une sève généreuse, elle prenait racine dans le sol où la jetait le hasard, et que ce sol fût riche ou